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Troubles de jouissance en copropriété avec des locataires

Avril 2014

Les troubles de voisinage constituent trop souvent une source importante de problèmes pour les personnes confrontées à une telle situation.

La liste est longue tel le bruit et les odeurs, l’égouttement illégal des eaux de surface, ces problèmes trouvent toute leur intensité lorsque nous sommes propriétaire d’un bien immeuble détenu en copropriété.

Et pour en ajouter, il y a des déclarations de copropriété qui permettent à un copropriétaire de louer son unité de condominium en autant que certaines conditions soient rencontrées comme par exemple, l’obligation pour le copropriétaire-locateur de communiquer au syndicat des copropriétaires la copie du bail de location (art. 1065 du Code civil du Québec).

Bien souvent, lorsque nous nous retrouvons avec des locataires, ces derniers n’ont pas le même intérêt et le même comportement qu’un copropriétaire. Qu’arrive t-il lorsqu’une unité de copropriété est louée et que son locataire trouble la quiétude des lieux et, par voie de conséquence, cause un préjudice aux autres copropriétaires ?

Le syndicat des copropriétaires a-t-il uniquement autorité contre le copropriétaire qui loue son condominium ou peut-il, en vertu de la loi, agir de façon à ce que le trouble cesse ?

Le syndicat des copropriétaires pourrait croire que son seul recours est de rappeler au copropriétaire-locateur de voir à ce que cesse la situation. Dans une telle situation, l’article 1079 C.c.Q. nous donne un remède spécifique au monde de la copropriété.

Cet article 1079 C.c.Q., est incorporé dans la section du droit de la copropriété qui fait état des droits des syndicats de copropriétaires. Pourtant, cet article du Code civil du Québec n’est pas inclus dans la section des dispositions sur le louage locatif.

L’une des règles générales du droit pour pouvoir prendre un recours judiciaire énonce que la personne doit avoir un intérêt juridique, comme par exemple l’intérêt juridique qui existe entre les parties dans un contrat donné, tel un bail entre un copropriétaire-locateur et son locataire.

Toutefois, l’article 1079 C.c.Q. octroie un intérêt juridique suffisant au syndicat des copropriétaires afin de demander jusqu’à la résiliation du bail d’un locataire dont le comportement trouble la tranquillité des lieux et des copropriétaires, tandis qu’en règle générale, seul le locateur a l’intérêt juridique suffisant pour s’adresser aux tribunaux en matière de louage locatif pour obtenir la résiliation d’un bail [1].

La procédure à suivre dans le cas d’une telle demande consistera dans le dépôt à la Régie du logement d’une requête en résiliation de bail puisque c’est ce tribunal administratif qui est le seul compétent pour entendre un litige de cette nature.

Évidemment, avant de procéder au dépôt d’une telle procédure, il est recommandé au syndicat des copropriétaires de bien constituer son dossier et de s’assurer que le copropriétaire-locateur a été informé de la situation et mis en demeure de prendre les dispositions nécessaires afin que cesse le trouble. La mise en demeure écrite est le meilleur moyen de s’assurer que le copropriétaire-locateur a été valablement informé.

Il ne faut pas oublier que la meilleure preuve de transmission d’une mise en demeure écrite est l’envoi de la mise en demeure par courrier recommandé ou par un huissier ou tout autre moyen de transmission dont il est facile de faire la preuve devant le tribunal.

Certaines décisions dans la jurisprudence font état qu’un tel recours par le syndicat des copropriétaires lui revenait puisque c’était effectivement à ce dernier de faire valoir le droit des copropriétaires, d’autant plus que le copropriétaire-locateur ne peut soulever le moyen portant sur les troubles de comportement du locataire à l’égard des autres occupants de l’immeuble qui sont copropriétaires [2].

Dans l’exercice d’un tel recours, il appartient au syndicat des copropriétaires de prouver que le locataire viole les dispositions de l’article 1079 C.c.Q. et qu’il cause ainsi un préjudice sérieux à un copropriétaire ou à un autre occupant de l’immeuble. Le syndicat des copropriétaires se doit donc de bien monter son dossier : plaintes à la police, procès-verbal de signification d’un huissier, obtention de pétition, témoignages, etc …

De plus, il est clair que l’usage par un locataire d’une unité de condominium qui serait non conforme à la destination de l’immeuble pourrait entraîner la résiliation du bail.

Le Législateur a inclus cette disposition dans les règles particulières propres à la copropriété pour la protection de la collectivité des copropriétaires lorsque confrontée à un locataire rebelle.

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[1] Certaines exceptions s’appliquent comme par exemple dans le cas d’un recours exercé par un créancier hypothécaire lorsque celui-ci agit à titre d’administrateur du bien d’autrui, ce qui lui confère l’intérêt juridique exigé pour demander la résiliation d’un bail.

[2] Constructions Rolansen Inc. c. Moore, [1994] J.L. 41

La présente chronique comporte de l’information juridique de nature générale. Pour obtenir un conseil juridique qui tiendra compte des particularités de votre situation, il vous est fortement recommandé de consulter un  avocat.